Texte inspiré par les multiples totems construits par scolaires dans le cadre du « Prix Artistes en Herbe » et écrit en leur hommage (2°édition de Festiv’Arts, 23-24 mai 2010)
Vous direz, vous penserez peut-être : « que sont ces figures toutes faites de bric & de broc, vieux bidons, bouts de ficelles & de tuyaux, boîtes et autres rebuts ? » Les vieux peuples gravaient des mâts aux nobles matériaux : bois précieux, ivoire, pierre; le plastique recyclé ou les vieux écrous rouillés les auront remplacés et l’humour robuste des enfants aura pris la place des graves signes adultes…
Peu importe, le geste et la marque sont bien là : mise en forme, attribution/révélation d’un sens caché, re-création, différenciation, attribution d’un nom en un lieu & en un temps donnés.
Et grâce à quelques bouts de tuyaux délaissés, je remodèle une tête, un visage, une figure humaine ou animale ou même extra-terrestre, si grotesque ou naïve soit-elle !
Et sans le savoir & malgré moi, je reprends alors le geste ancestral, je rejoins le socle ancien et commun, l’archétype, toutes ces formes anciennes de l’inconscient du monde que nous portons en nous.
Et en récréant, je nomme et en nommant, je totémise et tant pis si mon clan ou tribu n’est fait que de mon copain Jojo et moi et ses mythes fondateurs, de nos hyperboliques voyages extra-sidéraux ou sous-marins…
Aux incrédules, aux sourires sceptiques : souvenez-vous de vos jeux d’enfants, des héros atemporels que nous fumes tous, guerriers de toutes les batailles, animaux des cavernes, esprits animés, sioux des Grandes Plaines ou chevaliers intergalactiques victorieux de retour sur leurs planètes lointaines.
Passant, arrête-toi, regarde, penche-toi, lis, décode, initie-toi au sens caché, ésotérique qui se camoufle derrière notre allure grotesque ou dérisoire et tout simplement, humblement, laisse-toi interpeller ; tu comprendras alors ce que nous sommes, au tournant de ce chemin, sur la limite de ce champ à vaches…
Ce soi-disant totem à l’allure de poste à essence des années 60 te provoque le rire ?
Pense au mouvement, à l’énergie, à la source, à la longue période, à la terre-mère…
Cet autre, assemblage de boîtes métalliques simulant un jeu de massacre inamovible, te paraît fort absurde ?
Pense au triangle, à la pyramide, aux formes premières, parfaites et idéales…
Arrête-toi, regarde.
Regarde,
comment d’un geste illusoire et à l’aide de bouts de ficelle et de pots brisés, à coups d’éphémère, d’inutile et d’abandonné, à coups de tout et de rien,
nous validons notre monde intérieur au sein du monde même,
comment nous intégrons notre rythme au rythme des siècles.
Pablo Stinus
(atelier d’écriture spontanée)